Cet homme, dans quelque ruine, avec la ronce et le lézard, vit sous la brume et la bruine, fruit tombé de l'arbre hasard! (Victor Hugo, Les contemplations)
La lune géante emplissait le ciel de Wùrdemîr de telle sorte que sa lumière éclipsait totalement celle des autres astres. Ni fins lumignons, ni voie lactée ou autres brumes de couleurs effacées n'étaient visibles dans ce plafond infini, totalement dépourvu de la discrète et délicate beauté qu'aspire à contempler tout rêveur levant les yeux aux heures où la vie dort. Ainsi, ce monde n'avait en guise de voûte céleste qu'un noir d'encre uniforme et décevant, hormis bien sûr le satellite titanesque à la présence écrasante. La trop vive clarté de ce dernier illuminait la planète d'un éclat tel que tout sommeil y était rendu impossible. Un seul objet interdisait par sa seule présence dans le ciel tout rêve et toute rêverie.
Comme pour donner le signal du changement, un léger vent souffla entre les dunes, donnant naissance à quelques furtifs tourbillons de sable. Alors Lézard-qui-rêve se leva, franchit le seuil de sa tente, et marcha tout droit à travers les étendues vides et désertes de Wùrdemîr, résolu à aller trouver un autre ciel, moins ingrat, sous lequel rêver. Il avança jusqu'à atteindre l'horizon, puis s'affranchit des contraintes de son monde dont il transcenda les limites pour continuer son voyage par delà l'éther durant maints éons.